par PETIT » Mar 1 Déc 2015 17:26
Bonsoir,
Après une galère qui a duré 14 ans, j’ai acquis une précieuse victoire et je me dois de vous la faire partager, c’est mon vécu, c’est mon parcours, il n’a sans doute aucune similitude avec le vôtre, hormis la douleur et les longues années de recherche (combat ne me paraît pas approprié) qu’elle engendre pour s’en sortir.
C’est un accident de vélo qui, à 50 ans, m’a conduite au CHR de Toulouse, j’ai pris un « carton », comme on dit, de la part d’une automobiliste qui a simplement été éblouie par un soleil rasant de décembre. Même si j’ai parfois enragé, je ne lui en ai jamais voulu, c’était un accident. On m’a diagnostiqué une fracture du sacrum… et renvoyée chez moi, j’en avais pour 3 semaines. Le choc dans les reins a été violent, j’ai été sérieusement ébranlée, mais je m’en sortais bien. Un mois plus tard, je commençais à éprouver une douleur au niveau du rectum qui ne m’a plus quittée, 14 ans durant. Pendant plus de 2 ans, mon médecin généraliste s’est contenté d’établir des arrêts et prolongations d’arrêt de travail, je travaillais dans un bureau et je ne pouvais pas m’asseoir. Les anti douleur ne marchaient pas. Sur mon insistance, j’ai eu droit à une rectoscopie, qui n’a rien décelé, j’ai consulté un neurologue qui a rapidement évoqué son impuissance devant l’inefficacité de ses médicaments. Je vivais debout ou couchée, j’avais tout de suite renoncé à m’asseoir puisque la douleur était pire. Mon seul vrai remède était de rester allongée à plat ventre avec une bouillote sur les fesses. J’ai vu des tas de gens, hors champ médical (magnétiseur, aimantologue, guérisseur, naturopathe et j’en passe), toutes sortes de personnes de bonne volonté mais inopérantes. J’ai vu des médecins (acupuncteur, homéo, gynéco, et j’en passe), des kiné, osthéo, étio : rien n’a été de la moindre efficacité. J’ai, pour la 1ère fois, entendu prononcer les mots « lâcher prise », mais je n’étais pas dans ce registre, pas encore. J’ai une bonne force mentale, elle m’a permis de tenir, j’ai un mari à toute épreuve qui a partagé mon quotidien, et j’ai tenu le coup, apprenant à vivre avec la douleur. J’ai voulu reprendre mon travail, que j’adorais, et ça n’a pas été simple de travailler debout devant un bureau, même si c’était à mi-temps quotidien : je m’effondrais en rentrant à la maison. L’errance médicale a duré 3 ans, puis un gastro a pour la 1ère fois évoqué une NP, bien sûr je n’en avais jamais entendu parler. Une EMG n’a rien révélé mais la NP n’était pas exclue, j’ai atterri au CHR de Nantes, infiltrations successives puis intervention (libération du nerf) qui aurait pu donner des résultats mais non, ça n’a pas été le cas. J’ai rapidement mis à la poubelle tous les médicaments de type neuroleptique qui m’apportaient plus d’effets secondaires (hallucinations, perte de la mémoire) que d’apaisement. J’ai renoncé à travailler, mise en invalidité, et j’ai vécu ainsi, ne renonçant jamais, mais franchement sans trop d’espoir. J’étais entrée dans une association de « gens comme moi » mais parler de la NP ne soulageait pas. Mon mari m’avait fabriqué ce que je nommais une rondelle, sorte de bouée adaptée à mon bassin, rigide mais confortable, je vivais avec, la transportant partout. Puis, sportive dans l’âme, j’ai repris le ski, qui me tenait à cœur (je me débrouillais pour les remontées), j’ai jardiné, à genou sur un coussin et je pensais moins à la douleur, j’étais captivée par un match de rugby à la télé et j’avais moins mal, je suis partie sur un chemin de Compostelle et vivre différemment au jour le jour m’a fait du bien à la tête, je pensais moins à la douleur, j’ai enfin compris qu’il fallait surtout ne plus se focaliser dessus. Par contre, dès le chemin terminé, je retombais dans la douleur et c’était moralement dur à encaisser. J’ai lu des tas de trucs qui m’ont ouvert les yeux sur un mieux vivre, en général, j’ai connu la sophrologie qui m’a enseigné la relaxation, j’ai suivi une psychothérapie bref une toute autre approche. J’ai pu me ménager des moments de pause. Je ne combattais plus mais je vivais moins mal. Je consultais quand on me disait « je connais quelqu’un, tu devrais y aller », mais sans effet sur moi. Puis j’ai été opérée une 2e fois, à Aubagne, en 2011. Sans effet sur la douleur. Toutefois, au bout d’un an, une EMG indiquait pourtant que mon nerf était guéri… J’ai eu du mal à le croire, ma douleur n’avait pas varié. Cette guérison ne rentrait pas dans ma tête. En 2014, j’ai entendu parler d’hypnose, à la télé, et comme c’était bien la seule chose que je n’avais pas essayé, j’ai pris rendez-vous au centre anti douleur du CHR de Toulouse (retour à la case départ). Il m’était arrivé, sur mes 2 derniers chemins vers Compostelle, de ne plus éprouver de douleur (plaisir de marcher = production d’endorphines) un mois durant, même si je n’essayais pas de m’asseoir. Et ce phénomène de vacance de douleur m’interpelait même si je ne savais pas trop comment l’exploiter. J’ai donc suivi des séances avec une hypnothérapeute qui, connaissant bien la question de la douleur, m’avait assurée que j’allais en sortir, en m’expliquant le rôle infiniment important et méconnu du cerveau. Pour commencer, sortant du cabinet, elle m’a persuadée de m’asseoir dans le tram qui me ramenait chez moi : je devais partir du principe que j’étais guérie comme l’avait assuré le chirurgien, et que je ne devais plus en douter. Haut le cœur à la simple idée de m’asseoir… Je l’ai pourtant fait, 2 minutes, j’avais l’impression d’être assise sur des cailloux !! Et j’ai continué tout petit à petit, car personne ne pouvait le faire à ma place, ça je le savais. Ma douleur était toujours là , mais il ne tenait qu’à moi de lui laisser de moins en moins de place dans ma tête, en me concentrant sur autre chose, c’est tout un travail quand elle occupe le devant de la scène depuis 14 ans… mais ça a fini par payer. En septembre 2015, je suis repartie, toujours avec mon mari, sur un nouveau chemin de Compostelle, et le déclic s’est fait, dès le départ. J’avais un deal avec l’hypnothérapeute : emporter la rondelle oui mais la laisser au fond du sac et le schéma d’images que je devais mettre en oeuvre régulièrement, je n’entrerai pas dans le détail. La douleur a disparu, plus de tension, plus de spasme, comme ça, tout simplement. Je devais résolument poser mes fesses, quel que soit l’endroit où je me trouvais, j’ai fini par le faire, sans appréhension. 44 jours et j’ai eu l’intime conviction que c’était fini, j’avais, ou plutôt ma tête, avait lâché prise, le déclic avait eu lieu. Quand on entend dire « c’est dans la tête », il ne faut pas le prendre péjorativement, c’est en partie vrai, et ça se soigne. Une partie de la guérison est en nous-même, c’est avec le temps que je l’ai compris. Restait à savoir si ce serait définitif, en rentrant à la maison. Une semaine après notre retour, les prémices de la douleur se sont manifestées, j’ai paniqué et je suis revenue au CHR. Sortir de la parenthèse Compostelle et retour au quotidien expliquait cela. Mais pas question que je me refasse prendre dans la spirale, j’étais guérie, point barre. Et ça marche.
J’en suis là aujourd’hui, je revis, ma famille et mes amis sont heureux pour moi. Alors si mon récit peut servir, j’en serai moi aussi très heureuse